Il faut s’intéresser longuement au Luxembourg pour s’en faire opinion éclairée.
L’ancien département des Forêts napoléonien, qui avait raté le coche de la révolution industrielle à la fin du XIXème siècle, pavane aujourd’hui en tête des classements de PNB/habitant; et suscite parfois convoitises, aigreurs et agacements. Vils sentiments qu’il faut continuellement chasser de son esprit. Parce que c’est mal. Comme la guerre, l’argent, la maladie. Tout ça.
Le Luxembourg, depuis son apogée au XIVème siècle, n’a cessé de voir ses frontières grignotées, à la faveur de la France, de l’Allemagne, et même, en 1839, à la faveur de la Belgique, qui récupéra alors toute la partie occidentale francophone du Grand-Duché. Si le Luxembourg actuel a donc des racines essentiellement germaniques, on constate une certaine influence culturelle française. Les deux derniers Premiers Ministres du pays, Jacques Santer et Jean-Claude Juncker, sont tous deux diplômés de l’université de Strasbourg – dont certains esprits chagrins contesteront la parfaite francitude, certes, ahahaha.
Redoutable place forte militaire, un chef de guerre français, qui cherchait à défendre ses mérites pour éviter un jugement sommaire défavorable, la surnomma la « Gilbraltar du Nord » sous la Révolution. La chose militaire n’étant plus d’actualité, et à défaut du climat, la comparaison avec l’enclave britannique reste valable pour certains aspects juridiques et fiscaux.
Le Luxembourg, contrairement à Monaco, ou au Liechtenstien, n’est pourtant pas devenu un bastion financier ex nihilo – littéralement « hors de rien », à ne pas confondre avec l’ex nie l’eau, qui désigne a priori une ancienne compagne portée sur l’alcool – lequel a priori, qui s’oppose à a posteriori, quoique, au fond, même s’ils ne savent pas trouver les mots pour se le dire, ils s’aiment bien ces deux-là, lequel a priori disais-je pose la lancinante question de la francisation des locutions latines et leur cortège de surcharges diacritiques – quand soudain tout à coup brutalement sans crier gare survient la question du bon usage du tiret dans une phrase trop longue que l’on souhaite aérer de digressions récréatives – on peut en effet utiliser le tiret cadratin « — », du latin cadratus « ecchymose », en substitution de la parenthèse, mais d’un usage plus simple puisque l’on n’est pas obligé de le refermer — ce qui est fort pratique quand on est un peu perdu – mais le tiret demi-cadratin, du latin demi moore « contusion », plus ramassé, plus discret bien que poilu et odorant, peut faire l’affaire. Dès 1890, tout juste affranchi de sa tutelle néerlandaise, le Luxembourg put donner libre cours à son esprit entrepreneurial en exploitant un sous-sol méridional riche en minerai de fer et en profitant d’un marché unique allemand, le Zollverein.
Ainsi, en 1950, le Luxembourg se classait 10ème dans le monde pour son PNB par habitant, fort d’une industrie sidérurgique prête à fournir l’acier nécessaire à la reconstruction de l’Europe. Après avoir vu sa neutralité deux fois bafouée et perdu l’accès au Zollverein dissous en 1919, le Luxembourg fut un précurseur de la construction européenne, co-fondateur de la CECA en 1951, puis de la CEE en 1957. Jusqu’au milieu des années 1970, le pays conservait encore son rang alors que l’ensemble du secteur sidérurgique européen plongeait, entre stabilisation du marché, ruptures techniques et gains de productivité.
L’État mit alors en place des dispositifs juridiques et fiscaux attractifs qui permirent à son industrie de se diversifier et au secteur financier de prendre son envol.
En 2013, les PIB / habitant de la France et de l’Allemagne sont 60% inférieurs à celui du Grand-Duché. À ce propos, je n’ai pris conscience de la différence entre PNB / habitant et PNB / employé qu’en regardant le cas du Luxembourg de plus près. En effet, tous les jours, selon http://www.statistiques.public.lu, environ 150 000 personnes passent la frontière pour venir de France, de Belgique et d’Allemagne travailler au Luxembourg – soit 30% de la population résidant normalement au Luxembourg – l’ordre de grandeur de la proportion de franciliens venant travailler dans Paris intra muros est le même – où tirets demi-cadratins et locutions latines reviennent avec force, contre toute attente.
Pourquoi s’intéresser au Luxembourg aujourd’hui ? Peut-être parce que pour la première fois de son histoire, un gouvernement vient de remettre sa démission. La vraie première fois, c’était lors du Printemps des Révolutions. Le premier gouvernement luxembourgeois au pouvoir depuis l’instauration d’une nouvelle constitution donna sa démission fin 1848, vexé de n’avoir eu qu’une courte majorité lors d’un vote de confiance. Autant dire un petit ajustement technique au démarrage. Et plus rien depuis.
Le Premier Ministre Jean-Claude Juncker a démissionné, après que le Parlement ait rejeté les conclusions d’un rapport sur la gestion du service des renseignements luxembourgeois. En France, la dernière fois, c’était en 1962. Juste après l’attentat du Petit-Clamart, de Gaulle a voulu soumettre l’élection présidentielle au suffrage direct, et l’Assemblée a voté contre – foutu corporatisme à la française. Je dis ça, je n’en savais rien il y a cinq minutes.
Des fonctionnaires luxembourgeois semblent aussi empêtrés dans une espèce de fausse affaire pourrie que toutes les parties prenantes cherchent à fuir à tout prix – l’affaire dite du «Bommeleeër», ou poseur de bombes, assez similaire à ce qui se passait en Belgique, à la même époque, avec les Cellules Communistes Combattantes – quitte à échafauder des hypothèses aussi sensationnelles que farfelues que les médias copient collent en masse. Et ça commence à engager la responsabilité du gouvernement, au moins pour son inefficacité à résoudre une affaire vieille de trente ans.
«Il me faudrait deux « m » et trois « e » s’il vous plaît.
— Et avec ça ?
— Tenez, mettez-moi donc aussi ce « e » Umlaut.
— Ça fera quarante-tr.» BAOUM !!!